Harry Kane en interview pour L’Équipe
Vous avez gagné beaucoup de récompenses individuelles, les échangeriez-vous contre un grand trophée collectif, que vous poursuivez toujours ? : « J’entends très souvent cette question ou cette remarque, comme vous pouvez l’imaginer. C’est vrai, pour l’instant, j’ai reçu des récompenses individuelles en tant que meilleur buteur ou meilleur joueur. Mais je commence chaque saison avec l’objectif de gagner des trophées collectifs et je ne me contente pas d’être distingué sur le plan individuel. Je n’ai que 31 ans. Autrefois, à cet âge, c’était le début de la fin. Aujourd’hui, les choses évoluent de telle sorte que l’on atteint presque la fleur de l’âge à 30 ans. Et je pense que le meilleur Harry Kane est encore à venir. Je suis très confiant à ce sujet. Et je suis convaincu que la deuxième partie de ma carrière, celle qui commence maintenant, sera riche en trophées majeurs. Et quand je raccrocherai les crampons, ce ne sera plus un sujet. »
À propos du trophée Gerd Müller du meilleur buteur : « C’est un grand honneur et une grande fierté, car c’est la concrétisation de ma mission sur le terrain : marquer des buts. C’est ce que les gens attendent de moi, c’est pourquoi le Bayern Munich m’a fait venir ici. Ce trophée valide aussi mon choix de carrière, celui de quitter mon pays pour la première fois à l’âge de 30 ans. Ce n’était pas une évidence que les choses se passent aussi vite et aussi bien. Je suis également très heureux pour ma famille qui m’a suivi et dont on sous-estime souvent la difficulté de tout quitter pour un nouveau pays. Ce trophée Gerd Müller les récompense également. Et il m’a permis de venir pour la première fois à la cérémonie du Ballon d’Or et d’assister à la remise de tous ces prix prestigieux. En espérant revenir peut-être pour en gagner un encore plus prestigieux [sourires et clins d’œil]. »
Cela signifie-t-il que vous pensez au Ballon d’Or ? : « Bien sûr que j’y pense ! Et, pourquoi ne pas le dire, j’y crois. Je pense que mes performances font de moi un candidat crédible. Je continue à progresser, je joue dans des équipes, que ce soit le Bayern ou l’Angleterre, qui sont des prétendants naturels aux grands titres. Alors, avec mes performances individuelles et un trophée collectif majeur comme la Ligue des Champions, pourquoi ne pas croire en mes chances ? Je rêve du Ballon d’Or depuis que je suis enfant, et encore plus avec l’ère Lionel Messi-Cristiano Ronaldo qui a donné un prestige encore plus grand à cette récompense. Qui sait si en 2025 nous ne nous reverrons pas pour une nouvelle interview ? [rires] »
À propos de savoir s’il revoit ses performances : « Je regarde beaucoup de vidéos. Je regarde mes mouvements, ce que j’aurais pu faire différemment. Je pense qu’il est très important de continuer à être en recherche, tout le temps, parce que, étant donné la compétitivité du football moderne, si vous vous reposez sur vos lauriers, vous êtes puni. En ce qui concerne les adversaires à venir, le staff (du Bayern) fait un travail remarquable pour nous présenter les adversaires que nous aurons à affronter. Pour ma part, je regarde souvent plus particulièrement les défenseurs que je vais affronter, pour étudier leur profil, leurs points forts, ce qu’ils n’aiment pas, leurs zones de mouvement et leur façon de défendre. »
Un attaquant doit-il être obsédé par le fait de marquer des buts ? : « J’ai envie de dire oui, un attaquant doit être obsédé par le but. Les meilleurs d’entre eux le sont. C’est ce qui guide votre jeu et vos mouvements. Il faut créer les conditions du but, ne pas se contenter d’attendre et d’espérer qu’un bon ballon vienne à soi. Pour cela, je dois constamment observer le jeu, mes coéquipiers, mes adversaires, afin de définir le meilleur mouvement pour avoir une chance de marquer. La seule réserve est que cela ne doit pas se transformer en égoïsme. Si j’ai un 2v1 à jouer et que mon coéquipier est mieux placé, je dois lui faire une passe. Il faut toujours faire ce que le jeu exige. Et j’ajoute que la confiance que vos coéquipiers ont en vous ne dépend pas seulement des buts que vous marquez, mais aussi de la manière dont vous vous impliquez dans l’équipe, et cela passe aussi par la passe quand la situation l’exige. »
À propos de son duo avec Son à Tottenham et de savoir s’il pourrait le recréer avec un autre joueur [au Bayern] : « Je me suis très bien entendu avec Heung-min Son. Je pense aussi que c’est l’un des joueurs les plus sous-estimés du championnat. Nous avons toujours eu une très bonne relation technique. Mais cela a pris une autre dimension lorsque José Mourinho est arrivé chez les Spurs. Avant, les rôles étaient plus établis, j’étais numéro 9, Sonny était à gauche. Nous nous comprenions déjà très bien dans le jeu, mais sous José, nous avons formé un duo plus offensif et là, nous avons créé une connexion presque télépathique avec des rôles beaucoup plus changeants, une fois j’étais devant, une autre fois je reculais pour l’aider. Retrouver une connexion comme ça ? Je pense que c’est possible parce que je comprends encore mieux le jeu aujourd’hui et que je me connecte encore plus facilement [aux autres joueurs]. On en a déjà un aperçu au Bayern avec Jamal Musiala, par exemple. »
Est-ce frustrant de ne pas beaucoup toucher le ballon ? : « C’est vrai, ce genre de match peut être compliqué, mais il faut s’y préparer, car parfois la configuration des choses vous oblige à rester dans la surface de réparation. Et là, il faut savoir rester très concentré sur le jeu, sur les moindres mouvements, les moindres détails, les moindres déviations, pour jaillir au bon moment. Parfois, certains pensent qu’un attaquant ne fait rien quand il ne touche pas beaucoup le ballon. Au contraire, il faut être très connecté au jeu, car tout peut se jouer sur un seul ballon. C’est-à-dire qu’on peut faire un match dans l’anonymat le plus complet et, sur un ballon, devenir pendant quelques secondes le meilleur joueur du monde aux yeux du public, même si dans l’absolu ce n’est pas le cas. C’est pour ce moment qu’un attaquant travaille chaque minute, chaque jour de la semaine. »
À propos des attaquants qui lui ont servi de modèles : « Au tout début, c’était Teddy Sheringham qui avait un très bon sens du jeu. On pourrait ajouter Ruud van Nistelrooy ou Jermaine Defoe, qui était le buteur des Spurs quand j’étais dans l’équipe de jeunes. Et puis, bien sûr, le Brésilien Ronaldo. D’une manière générale, j’aime beaucoup les attaquants qui ont la capacité de faire beaucoup de choses avec le ballon en dehors de la surface de réparation, la capacité de participer au jeu, de créer. Cela m’a toujours inspiré. Cela m’a probablement montré la voie pour devenir l’attaquant que je suis aujourd’hui. »