A l’occasion d’un séminaire organisé par le ministère des Finances à Douala, les institutions financières ainsi que les opérateurs économiques sont encouragés au respect des procédures pour préserver les réserves de change du pays en baisse.
La réglementation de change en vigueur dans la zone Cemac depuis 2018 n’est pas toujours appliquée de manière totale. Les faits de non-conformité sont nombreux autant pour les opérateurs économiques, les bureaux de change que pour les établissements de crédit. Pour ces derniers par exemple, il leur est reproché la non déclaration des opérations ou même parfois l’absence de détails financiers, notamment des montants des taux d’intérêt, l’échéancier de remboursement etc. Ces manquements, selon le ministère des Finances (Minfi) , fragilisent les efforts de préservation des réserves de change qui demeurent un défi majeur pour le pays actuellement, et même dans la sous-région. Car, le déficit se creuse d’année en année.
En 2016, selon les données publiées par le Minfi, les réserves du Cameroun s’établissaient à 636 milliards de FCFA. Soit moins de la moitié de leur niveau de 2008. Au 31 décembre 2023, les réserves de change de la Cemac atteignaient 6 698,85 milliards de FCFA. Cependant, ce stock a diminué de 5,8% en décembre 2024, pour s’établir à environ 6 484,8 milliards de FCFA, correspondant à 4,4 mois d’importations des biens et services. Cette tendance baissière a été relevée lors du Sommet extraordinaire des chefs d’État de la CEMAC tenu le 16 décembre 2024 à Yaoundé. Les chefs d’États se sont montrés inquiets et ont appelé les gouvernements à plus de vigilance.
C’est dans cette perspective que des experts financiers, opérateurs économiques, responsables d’établissements de crédit ainsi que des bureaux de change étaient réunis à Douala le 05 février 2025. A l’initiative du ministère des Finances, à travers la Direction Générale du Trésor, de la Coopération Financière et Monétaire, ils ont été mobilisés pour un séminaire sur la vulgarisation de la Réglementation des Changes. La rencontre a ainsi permis de revisiter ce texte, ses dispositions et les difficultés rencontrées par chacune des parties dans son implémentation.
Pour le gouvernement, les acteurs doivent renforcer les efforts d’application stricte de la réglementation des changes. Ce qui va favoriser le rapatriement effectif des recettes d’exportation et une gestion optimisée des flux financiers.
Interview
Eric Pokem, sous-directeur de changes et de transfert, Minfi
« Nous devons renforcer le rapatriement des recettes d’exportations »
Le cadre de la direction générale du trésor de la coopération financière et monétaire du ministère des Finances relève les enjeux autour du respect de la réglementation de change et des défis liés notamment aux opérations clandestines.
La nouvelle réglementation de change date déjà de quelques années. Mais des séminaires de sensibilisation au sujet de son application sont toujours d’actualité. En quoi est-il important de tenir des concertations et qu’est ce qui coince dans l’implémentation de cette règlementation ?
La réglementation de changes date de 2018. Mais, on doit toujours être à la veille parce que la stabilité financière de toute la sous-région de la Cemac en dépend. Donc ce séminaire est beaucoup plus un séminaire d’encouragement de nos opérateurs économiques, des banques et de tous les intermédiaires agréés. Mais aussi un séminaire pour les appeler à plus de conformité. Donc nous évaluons aujourd’hui les opérateurs économiques sur leur conformité. La première conformité est d’abord ce qu’ils doivent faire avec l’autorité monétaire qui est le ministre des finances. Un autre aspect c’est la conformité avec la banque centrale. Et maintenant la Cobac qui est l’organe qui est chargé de les contrôler surtout les intermédiaires agrées. Nous essayons d’échanger pour qu’ils soient plus conformes pour une meilleure applicabilité de la réglementation de change et une meilleure stabilité financière de notre zone Cemac. Le Cameroun est la locomotive de la Zone Cemac. On a environ 51 à 52% des réserves de la zone Cemac.
Quelles sont les principales failles que vous observez notamment du côté des établissements financiers et des bureaux de change ?
Les principales failles dépendent des intermédiaires agrées. Si on prend le secteur des bureaux de change, la grande gangrène c’est le problème d’approvisionnement en devises. On a longtemps souligné cette problématique. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas assez de devises pour pouvoir répondre aux besoins de leur clientèle. Parce qu’actuellement il y a que les établissements de crédit qui peuvent importer les devises et c’est l’Euro. Car, pour importer le dollar et d’autres monnaies, c’est souvent difficile. Ils sont obligés de s’approvisionner cette monnaie-là auprès des voyageurs. Ils n’ont pas assez de devises, ce qui fait que le champ clandestin gagne la rue.
En ce qui concerne le secteur bancaire, on les incite à faire toutes les déclarations, à apporter tout à l’autorité monétaire pour que nous ayons connaissance et qu’on puisse mieux suivre l’actualité. Ils le font déjà bien, mais il y a quelques failles que nous avons portées au niveau des déclarations après des emprunts remboursés et des investissements directs sortants pour lesquels on n’a pas remboursé et pour lesquels nous ne sommes pas informés. Vous imaginez quand un opérateur économique de la zone Cemac, prend une action en France, ou une obligation, et qu’on dit vous devez avoir 100 000, chaque mois soit l’équivalent de 150 Euros. Donc il faut qu’il emmène dans notre zone monétaire 150 Euros chaque mois et à la fin il nous emmène le principal. Donc si un mois il ne nous emmène pas, il faut qu’il nous dise pourquoi il ne l’a pas fait. C’est cela la surveillance monétaire. C’est avec cela que nous constituons nos réserves de changes. Elles se constituent à partir de ses rapatriements d’emprunts et prêts accordés et aussi à partir de nos principales importations. Si vous regardez, le communiqué des chefs d’Etat on a beaucoup mis l’accent sur le rapatriement des recettes d’exportations qui est fondamentale et sans cela, on ne peut pas avoir les réserves de changes. Je pense qu’à ce niveau on doit féliciter les banques qui ont travaillé dur mais on les appelle encore à renforcer toutes les failles au niveau du rapatriement des recettes d’exportations et à fournir tous les documents bien détaillés.
Que va-t-on faire des recommandations à l’issue de cet atelier ?
Généralement, quand nous avons les recommandations, nous faisons un rapport et après nous faisons un plan de suivi des recommandations et nous les mettons en œuvre au niveau du ministère. Donc, nous allons transmettre ça au niveau du ministre des finances qui le valide. La réglementation de change prévoit un cadre permanent de concertation entre l’autorité monétaire et la banque centrale, donc nous mettons cela dans ce cadre permanent et nous faisons un plan de suivi évaluation. Nous le mettons en œuvre, s’il y a des activités qui dépendent de nous, on le fait.