En 2012, lors d’une visite de 24 heures dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, frappée par les inondations, le président Paul Biya a fait une promesse importante à la population locale. Le 20 septembre de la même année, il a annoncé un plan ambitieux de construction d’une digue routière de 330 kilomètres entre Gobo et Kousseri, destinée à protéger la région des inondations récurrentes qui ravagent la zone depuis des décennies.
Outre ce projet d’infrastructure, le président Biya a promis 1,5 milliard de francs CFA dans le cadre d’une aide d’urgence aux victimes des inondations. Il a exprimé son engagement en faveur de mesures immédiates et à long terme, visant à alléger les souffrances des communautés de la région. Parmi ces mesures figure la réhabilitation des barrages de Maga et de Lagdo, qui jouent un rôle crucial dans la maîtrise des eaux de crue.
« J’ai également prescrit des mesures à court et moyen terme, dont notamment la construction d’une digue routière de 330 km, allant de Gobo à Kousseri. J’ai également ordonné la réparation des barrages de Maga et de Lagdo », a déclaré M. Biya aux sinistrés lors de son discours à Guirvidig, dans la région de l’Extrême-Nord.
Une décennie d’inaction
Pourtant, plus d'une décennie plus tard, cette promesse n'a toujours pas été tenue. La construction de la route-digue Gobo-Kousseri est au point mort, sans aucun progrès significatif réalisé malgré les assurances du président. L'inaction a été imputée au manque de financement et au fait que le gouvernement n'a pas donné la priorité au projet. Les médias et les sources locales confirment que la route-digue de 330 kilomètres reste intacte, ce qui rend la région sujette aux inondations vulnérable.
Plus de 63 personnes ont perdu la vie à la suite des nombreuses inondations qui ont frappé la région de l’Extrême-Nord depuis 2012, et qui ont également touché plus de 700 000 habitants. Edith Kah Walla, membre de l’opposition, a dénoncé l’impact dévastateur de ces inondations sur les communautés vivant le long du fleuve Logone et dans d’autres zones à haut risque. Des milliers de personnes ont été déplacées à plusieurs reprises, leurs maisons, leurs cultures et leur bétail ayant été détruits par les eaux de crue.
Si des progrès ont été réalisés dans la réhabilitation des infrastructures de lutte contre les inondations, le projet de route-digue Gobo-Kousseri demeure une omission flagrante. Un rapport de la Banque mondiale sur la gestion des inondations au Cameroun a noté la réhabilitation réussie de 70 kilomètres de la digue du Logone et de 27 kilomètres du barrage de Maga entre 2018 et 2019.
Ces efforts, financés par l’Association internationale de développement (IDA) à hauteur de 108 millions de dollars, ont permis d’améliorer la résilience aux inondations dans certaines zones. Cependant, le projet routier Gobo-Kousseri, considéré comme essentiel à la fois pour la protection contre les inondations et pour l’amélioration de la connectivité, reste incomplet.
Appels à une action urgente
Lors d’une récente intervention à la télévision d’État, l’analyste des politiques climatiques Eugene Nfongwa a souligné l’urgence de construire la digue et de la renforcer pour protéger les communautés vulnérables. « Nous devons construire une digue et la renforcer », a déclaré M. Nfongwa, ajoutant que le Cameroun doit repenser son approche de la planification du développement pour assurer la durabilité à long terme de la région.
De même, le professeur Isaac Njilah, catastrophologue, a souligné les dangers que représente le barrage de Lagdo, qui, s’il venait à se rompre, pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour la ville voisine de Garoua. « Si Lagdo venait à se rompre, Garoua serait sous 50 mètres d’eau. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre des signaux sur les rives depuis Lagdo jusqu’au Nigeria pour que dès qu’il se rompt, on puisse donner l’alerte », a averti Njilah.
Un avenir incertain
Malgré les appels à l'action des experts, le gouvernement du président Biya n'a pas voulu s'engager à réaliser un développement durable du pays, ce qui a entraîné le blocage du projet. Alors que les inondations continuent de ravager la région, le besoin d'infrastructures robustes est plus pressant que jamais.
Douze ans après la promesse du président Biya, de nombreux habitants de la région de l'Extrême-Nord se demandent si la route-digue Gobo-Kousseri sera un jour réalisée. Alors que les habitants se préparent à de nouvelles inondations, l'incapacité du gouvernement à tenir son engagement de 2012 les a laissés avec un sentiment de frustration et d'abandon.
Contributions de Bachirou Elhadj BDO et Daniel D
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