Yaoundé ville poubelle! C’est le titre qui barrait la Une de l’un des journaux les plus lus de la capitale camerounaise, lundi dernier. Dans cette parution, on dressait un portrait peu reluisant de sa voirie urbaine, jonchée d’immondices et d’autres déchets nauséabonds qui participent à l’enlaidir, elle qui souffre déjà d’avoir un réseau routier en piteux état. Des articles de journaux comme celui-ci, il y en a à la pelle. Certains remontent même à plus de 10 ans. Oui, à Yaoundé, comme dans d’autres agglomérations du Cameroun telles que Douala, la crise des ordures est un problème qui perdure. La situation que traverse actuellement la ville siège des institutions n’est donc pas inédite, tout comme les initiatives mises en place par les autorités administratives pour y pallier. En effet, face à l’insolvabilité récurrente des Collectivités territoriales décentralisées (CTD) à qui incombent la responsabilité de recruter et de payer les entreprises en charge de la collecte et de la gestion des ordures, le ministère de l’Habitat et du Développement Urbain (Minhdu) a très souvent recours à des solutions temporaires. Notamment, le paiement partiel des arriérés dus aux prestataires sous contrat avec la ville. Il y a une semaine, Célestine Ketcha Courtès, le chef de ce département ministériel a sorti de «son chapeau», une trouvaille: «L’opération coup de poing Yaoundé sans poubelles».
Opération coup de poing
Cette initiative, apprend-on, vise à mobiliser les deux entreprises qui opèrent dans la ville de Yaoundé pour la nettoyer de fond en comble. «L’opération s’étend dans un premier temps sur une semaine ; en mettant à contribution les prestataires Hysacam et Thychlof dont la logistique a été réquisitionnée pour le succès de cette opération. Une semaine qui permettra également à une équipe mise en place de travailler sur le volet juridique qui va encadrer et accompagner l’efficacité des prestataires jusqu’à la fin d’année. Le Minhdu a par ailleurs prescrit aux prestataires de mettre en place un bon dispositif de travail de nuit pour optimiser le rendement attendu», indiquent les services de communication de ce ministère. Quelle est la stratégie mise en place par le Minhdu pour convaincre ces entreprises de se remettre au travail? La question est cruciale, surtout si l’on se rappelle que les contrats qui lient ces prestataires à la Communauté urbaine de Yaoundé ont expiré en décembre 2023 et n’ont pas été renouvelés, tout comme les Ordres de service de prolongation, le 30 juin 2024. D’un autre côté, ils réclament aux CTD, d’importants arriérés de paiement.
Diligences du Minhdu
La réponse se résume en des promesses et petites gratifications financières. «Consciente de la situation, madame le ministre a réuni tous les acteurs pour comprendre ce qui n’allait pas. Après avoir écouté les différents acteurs, elle (Célestine Ketcha Courtès, ndlr), a engagé un certain nombre de diligences. Pour ce qui est des entreprises en charge des prestations de propreté, elle a saisi les administrations compétentes aussi bien pour régulariser leur situation contractuelle que pour amorcer le règlement de leurs arriérés de paiement. Mais en attendant, elle a mis la main à la poche pour donner à ces entreprises-là, un souffle, avec des appuis en termes de carburant», a déclaré Amadou Ngounga Mouchili, délégué régional de l’Habitat et du Développement Urbain pour la région du Centre. Il n’a pas oublié de préciser que la collecte et le traitement des ordures est une prérogative des CTD. Il ajoute par ailleurs qu’après une réunion de coordination qui a eu lieu le 18 juillet 2024 au Minhdu, les deux entreprises se sont immédiatement mises au travail, travaillant de jour et même de nuit. «Sur le terrain, nous coordonnons les opérations. Nous avons chaque jour un briefing pour voir l’angle d’attaque des opérations. Nous mettons cet appui en carburant à la disposition des opérateurs qui ont aussi mobilisé leurs équipements en fonction de leurs capacités», révèle Amadou Ngounga Mouchili.
Durée de l’opération spéciale
Combien de temps va durer l’opération susmentionnée ? Chez Hysacam, le principal opérateur chargé de la collecte et du traitement des ordures, on préfère laisser le soin au Minhdu de communiquer, car dit-on, c’est ce ministère qui a initié cette action, par conséquent connaît mieux sa consistance. Toutefois, un cadre de l’entreprise contacté par Défis Actuels indique que cette dernière pourrait perdurer. Du moins jusqu’à ce que le gouvernement trouve une solution durable. «Le ministre a parlé de dérogation spéciale. C’est-à-dire qu’elle reconnaît que c’est une opération spéciale qui vise à mettre en place une dynamique qui pourrait s’étendre sur la durée» pense notre source. A en croire cette dernière, Hysacam est déterminé à collaborer avec le Minhdu dans le cadre de cette opération spéciale, mais également avec la Communauté urbaine de Yaoundé, son partenaire de longue date «Cette opération spéciale rentre certainement dans le cadre d’une vision ou un programme qui va suivre. On sait qu’il y a le concours ville propre, les fêtes de fin d’année. Maintenant, nous, nous avons un donneur d’ordre qui est la communauté urbaine, qui nous confie des missions qu’on s’empresse d’exécuter».
Quatre opérateurs en cours de recrutement
En attendant, il faut rappeler que la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY) prépare une petite révolution dans la collecte, le transport et le traitement des déchets produits par les habitants de la ville. Il y a un mois elle a lancé un appel d’offres international ouvert en procédure d’urgence (qui n’a pas encore connu de résultats, ndlr) qui devrait aboutir à la sélection de quatre entreprises pour assurer ces différentes prestations. Le Maire de la ville poursuit ainsi sa politique visant à multiplier les prestataires à travers la capitale qu’il a lancé en 2022, à travers le recrutement de l’entreprise Thychlof qui est venu mettre fin au monopole détenu depuis au moins 50 ans par Hysacam. Selon le document susmentionné, les futurs opérateurs seront déployés à travers les 7 arrondissements que compte la ville de Yaoundé. Le coût prévisionnel total de l’opération est estimé à 61,8 milliards de FCFA TTC, financé par le budget de la CUY pour l’exercice 2024 et les années suivantes. Le contrat va s’étaler sur 5 ans avec une tranche ferme d’un an et quatre tranches conditionnelles d’un an chacune.