Le ministère de l’Administration territoriale du Cameroun (MINAT) se retrouve ces derniers temps au cœur de manœuvres politiques qui suscitent la controverse. Cela intervient à quelques mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025.
Les critiques fusent, car ces activités ne semblent pas être menées dans l’intérêt des Camerounais, mais plutôt pour soutenir le président sortant, Paul Biya, âgé de 91 ans. Ce dernier est pressenti pour briguer un nouveau mandat sous la bannière du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), le parti au pouvoir depuis 42 ans.
Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, utilise son poste pour mobiliser des soutiens en faveur du chef du RDPC. Chargé de veiller à la bonne administration du pays, il semble aujourd’hui engagé dans une mission partisane au sein d’une institution censée être neutre.
Une politique de coercition
Ces derniers jours, des chefs traditionnels proches du RDPC ainsi que des leaders contestés de l’opposition ont rencontré le ministre Atanga Nji. Ils ont profité de ces rencontres pour afficher leur soutien au « candidat statutaire » du RDPC, Paul Biya, soulevant ainsi des interrogations sur la neutralité des institutions publiques.
En octobre 2025, Paul Atanga Nji a reçu Robert Bapoh Lipot, leader d’une faction dissidente du parti UPC. Cette rencontre s’est tenue quelques jours après qu’une autre faction de l’UPC ait apporté son soutien à Akere Muna comme candidat à la présidentielle.
Un message publié sur les réseaux sociaux du MINAT confirmait la réunion et précisait que Robert Bapoh Lipot était venu « discuter des enjeux politiques actuels, mais surtout réaffirmer son soutien inconditionnel à la candidature du président de la République, Son Excellence Paul Biya, pour l’élection présidentielle de 2025. »
Le 31 janvier, le ministère a annoncé qu’une réunion avait eu lieu dans sa salle de conférence en présence de quatre partis d’opposition. Ces derniers en ont profité pour déclarer leur soutien à la réélection du président sortant.
Parmi ces figures, certaines avaient été écartées de leurs propres formations politiques. C’est le cas de Robert Kona, ancien leader du PCRN, qui a été interdit par la justice de parler au nom du parti. La faction UPC de Bapoh Lipot, qui s’était déjà rangée du côté de Biya en octobre dernier, était également présente.
« Les responsables de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), du Mouvement Démocratique pour la Défense de la République (MDR), du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN) et du Parti Républicain des Agriculteurs du Cameroun (PRAC) ont, ce 31 janvier 2025, solennellement lancé l’appel formulé par leurs bases respectives en soutien à la candidature du président de la République Paul Biya pour l’élection présidentielle d’octobre prochain », a déclaré le MINAT.
Un abus de pouvoir ?
Le 28 janvier, Paul Atanga Nji a accueilli des chefs traditionnels des trois régions du Nord dans la grande salle du ministère. À l’issue de cette rencontre, ces derniers ont présenté un mémorandum officialisant leur soutien à la candidature de Biya.
Des observateurs et des acteurs politiques dénoncent un abus de pouvoir et une instrumentalisation des institutions étatiques.
Lawan Bako, leader de l’UDP, un parti allié du RDPC, a quant à lui appelé à ce que Paul Atanga Nji soit tenu responsable de ses actes.
Un politologue camerounais a confié à MMI que les ministres doivent impérativement séparer leurs fonctions officielles de toute activité politique partisane.
« Il est essentiel que les ressources publiques et les institutions bénéficient à l’ensemble des citoyens, et non à des intérêts partisans », a-t-il déclaré sous couvert d’anonymat.
Il a également souligné que les règles en la matière varient d’un pays à l’autre. « Certains États disposent de directives strictes interdisant ce type de pratiques, tandis que d’autres adoptent une approche plus souple », a-t-il précisé.